Billet artistiquement boursier
- Corinne Tong-Chaï
- 19 juil. 2016
- 2 min de lecture

Quel drôle d'endroit pour une rencontre : la peinture à l'huile chinoise dans des murs imprégnés de finance. En montant les marches du palais Brongniart, édifice qui ne signifie certainement plus rien aux moins de 30 ans, j'entendais en sourdine comme un souvenir d'adolescence "Jean Pierre Gaillard en direct de la Bourse de Paris". Aujourd'hui l'antre parisien de la finance mondiale jusqu'en 1998, est, en autre, un lieu d'exposition. Et c'est une " résonance chinoise" qui a investi le rez-de-chaussée du bâtiment. Une exposition itinérante internationale de la peinture à l'huile chinoise. Un petit Zao Wou Ki se serait-il glissé dans les 152 œuvres présentées? Que nenni. Mais cette exposition est attractive à plus d'un titre. On y découvre toute la subtilité de la vision chinoise de la peinture avec un médium unique qui n'est pas dans sa tradition. La peinture à l'huile est l'essence même de la culture européenne et des Grands Maîtres. Au début du XXème siècle, les artistes chinois ont bravé les montagnes, parcouru des chemins, tenu la distance (ça me rappelle une chanson ça !), traversé des océans, enfin de façon plus ou moins officielle mais le plus souvent possible sous l'œil de Pékin, pour venir étudier cette peinture aux effets particuliers. Au Palais Brongniart, on découvre avec enthousiasme le regard asiatique sur cette peinture. On y croise des disciplines des fauves, des impressionnistes, des réalistes mais toujours avec un style unique, à l'asiatique. Les Chinois utilisent toute la matière, toute la brillance, toute la luminosité inhérentes à l'huile. Ils se spécialisent dans l'art du portrait, bluffant. Ils subliment les paysages de leur continent. Magique. Le travail peut parfois paraître académique mais c'est bien davantage. Les artistes chinois nous offrent la chance inouïe de découvrir leur vision de la peinture à l'huile, alors que pendant des siècles, ils n'avaient pas accès à cette ''matière'' européenne. Eux et leur pinceau chinois, leur encre de Chine, leur papier de riz, leur art de l'écriture et leurs heures devant une feuille blanche avant de lancer leur pinceau à eau à l'assaut du trait parfait. Les européens se sont initiés à leur méthode, leur psychologie et leur philosophie, avec plus ou moins de réussite, même si des artistes telles Fabienne Verdier ont sublimé leur mouvement avec ce "unique trait de pinceau". Les Chinois ont su eux aussi apprendre de nous. De nos méthodes inconnues et de cette matière. Ils ont appris magnifiquement. Étrangement parfois. Ils ont marié les particularités de l'huile au charme de l'Asie. Extrêmement enrichissant. Des experts du monde entier se bousculent à Paris pour admirer cette cinquantaine d'artistes chinois dont les noms ne sont pas connus en Europe et difficilement assimilables par notre mémoire visuelle autant qu'auditive ... même pour moi! Ah dernier détail d'importance : cette exposition ne reste que 15 jours à Paris. Et j'oubliais : elle est gratuite. La Chine et la France gardent ainsi de bonnes relations. Pas question d'argent sur le marché de l'art. Même sur les ruines de l'ancienne Bourse de Paris.
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