Billet d'un Pablo en case

Corinne Tong-Chaï
28 juil. 2020
3 min de lecture

Picasso. Son musée. L’hôtel Salé. Et la bande dessinée. Quel rapport? La surprenante mais non moins intéressante exposition « Picasso et la bande dessinée ». Car le Maître du cubisme avait un œil sur les bulles depuis toujours. Cette exposition est un dédale de surprises et pas seulement en provenance de l’espagnol. Des artistes contemporains, jeunes, habitués du festival d’Angoulême, la Mecque de la BD, rendent hommage au peintre à travers des créations uniques et magistrales. François Olislaeger ouvre le bal avec une œuvre... en cours de réalisation !!! Un labyrinthe où l’on retrouve toutes les vies de Picasso. Une gageure comme il en existe une autre un peu plus loin. Guernica, la toile iconique de Picasso contre la violence franquiste et la guerre en général. Monumentale toile, peinte en noir et blanc, est le point de départ de l’œuvre de Sergio García Sánchez. Se mesurer à Guernica voilà un sacré défi. En fait, le plus jeune des deux espagnols a interprété l’oeuvre. Avec les mêmes dimensions. A l’encre noir sur papier blanc, et avec la même structure. Et c’est réussi. Au centre, un dictateur, sa vie son œuvre, de sa puissance à sa déchéance, à savoir son meurtre. Chaque Dark Vador qui sommeille en nous se retrouve ici. Il faut une belle patience pour analyser la mosaïque de 33 dessins, patience que je n'ai pas eue mais l'ensemble donne bien le ton.

Au premier étage, changement d’ambiance. Là, le maître expose sa patte, sa vision de la vignette et sa modernité à côté des stars de la bande dessinée. Alors que de petites encres, surmontées de crayon de couleurs, sont d’une fulgurance insensée, le chat de Geluck apparaît avec un trait grossier même s’il est toujours très drôle. Enki Bilal choisit lui de se fondre dans le monde de Pablo en y mêlant son univers onirique. En résulte un travail unique qui vaut le coup d’œil. Totalement à l’opposé de Bilal, Marcel Gotlieb s’éclate. Des planches de la Rubrique-à-brac qui rassemblent Picasso, Dalí, Buffet et Reiser....pour se moquer de l’art officiel, à la manière de « Tac au Tac », une vieille émission de télé oubliée mais qui ressemble à un jeu de cadavre exquis. On y découvre même un Picasso hilare. Une rareté. Un délice. Reiser qui n’en oublie pas de se délecter de Picasso avec son trait de crayon personnel et son humour décapant. Un régal.

Mais Picasso c’est aussi une référence dans le monde de la bande dessinée. Petite pépite que cette planche de Tintin, une originale de la main de Hergé. Un crayonné de toute beauté datant de 1968, issu de "Vol 714 pour Sydney". Là, on découvre un milliardaire au milieu d’un tarmac prêt à enchérir sur trois tableaux de Picasso. On pourrait y voir la rencontre du héros de BD le plus cher du monde et du maître de la peinture le plus connu au monde. Ça claque. Tout comme l’hommage de Milo Manara. Tenir la pose du tableau « le vieux guitariste » est un défi. Manara en fait une histoire courte.

Voilà une exposition originale, du jamais vu, entre hommage et référence. Accessible à tout le monde, même au plus réfractaire au cubisme. On s’amuse, on découvre, on cherche, on rit, on s’incline. Et au bout du compte, la curiosité l’emporte. Picasso, cette bête curieuse, ne livre pas tous ses secrets mais nous invite dans sa bulle.

''Picasso et la bande dessinée''

Du 21 juillet 2020 au 3 janvier 2021

Musée Picasso - Hôtel Salé

5 rue de Torigny 75003 Paris

Tous les jours sauf les lundis

Du mardi au vendredi : 10h30 – 18h Samedis, dimanches et Jours fériés (sauf les lundis) : 9h30 -18h00.

http://www.museepicassoparis.fr

Métro : Saint Paul (ligne 1), Chemin Vert ou Saint Sébastien Froissart (ligne 8)