Billet d'un Bacon tout chaud
- Corinne Tong-Chaï
- 9 oct. 2019
- 3 min de lecture

Francis Bacon. Voilà bien un peintre qui divise. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il est loin d'être consensuel. Surréaliste? Sûrement. Expressionniste? peut-être. J'en envie d'inventer un terme pour ce peintre irlandais : extérieuriste . Tous ses sentiments les plus forts, les plus atroces, les plus crus sont jetés avec la violence de sa peinture sur la toile.
Bacon, c'est le Maître de la chair, de ces corps à l'agonie, de ces être décharnés, disloqués, de ce tissu musculaire à vif, de ces visages hantés par la souffrance. Et souvent sur des fonds extrêmement colorés, rose, jaune ou rouge vif. A vif toujours et encore. Toiles terrifiantes et hypnotisantes à la fois.
Lui il préfère peindre le cri plutôt que l'horreur. Les mots du cri, sur les toiles de Bacon, ça fait du bruit. Ces mots, il les puisent à travers ses lectures, de la littérature de Shakespeare à la poésie de Leiris ou la philosophie de Freud. Mais sa boulimie de savoir ne s'arrête pas là. Il amassent des journaux, des magazines. Il n'y a qu'à voir son atelier. Un foutoir sans nom, un amas de tout et de rien, du sol au plafond, des revues froissées, des magazines d'art compilés, souvent français, des photos déchirées, des correspondances avec d'autres artistes, des cartons pliés, des affiches éclaboussées, des brosses sans poils, des pots sans couvercle, des tubes éclatés, des livres d'art, bref un capharnaüm où seul l'artiste de Dublin pouvait puiser ses créations. Il absorbait tout ce qu'il voyait. Et s'intéressait à toute forme d'art, de la littérature au cinéma et à toute autre forme moderne en devenir.
Cet atelier londonien, où l'artiste a travaillé 30 ans de sa vie, est désormais à Dublin, sa ville de naissance, depuis 1998. Transféré à la Hugh Lane Gallery grâce à la minutie d'archéologues qui se sont plongés dans les méandres de ce fouillis bordélique à souhait.
Il faut le voir pour le croire, mais une fois quel'on a vu, on ne peut plus jamais oublier cet atelier. Et on comprend mieux l'oeuvre de Bacon. Des centaines de photos d'opérations chirurgicales jonchent le sol, les murs sont recouverts de corps nus, et de viande crue.''Je me sens chez moi ici dans ce chaos car le chaos me suggère des images.'' Si explication il faut à l'oeuvre d'un artiste, chez Bacon, elle se trouve sans aucun doute dans son atelier. Dire que la Tate Gallery a refusé de recevoir cet élément essentiel à la carrière de ce britannique et à sa compréhension. Manque de place parait il.
Au centre Pompidou, Bacon a toute la place qu'il mérite. Des triptyques fascinants et rares. Des oeuvres qui happent autant qu'elles peuvent éprouver notre regard. Personne n'est insensible à la peinture de Bacon. Elle est riche et stimulante. Il faut approcher ces oeuvres sans avoir peur. Il faut s'en écarter pour en prendre toute la mesure.
A la fin de l'exposition, une miniature. Un petit bijou de précision. Son atelier dans une boite.
Ne rater pas cette exposition à Beaubourg, et un conseil...préparez vous un petit week end à Dublin pour découvrir son atelier grandeur nature à la Hugh Lane Gallery. Absolument immanquable et incontournable.
''Bacon en toutes lettres''
Du 11 septembre 2019 au 20 janvier 2020
Centre Pompidou
Tous les jours de 11h à 21h
Nocturne le jeudi 23h
Réservation et billets uniquement sur le site centrepompidou.fr





Maquette de l'Atelier de Bacon au Centre Pompidou
En haut 1ère photo en panoramique : l'Atelier de Bacon reconstitué à Dublin à Hugh Lane Gallery de Dublin
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