Billet entre Oscar et Wilde
- Corinne Tong-Chaï
- 12 oct. 2016
- 3 min de lecture

Oscar Wilde. Petit Palais. Ou quand l'homme le plus impertinent du Royaume se fait une place à Paris dans un lieu aussi prestigieux que son talent le mérite. Son insolence lui aurait certainement soufflé ‘’Et pourquoi pas le Grand. Mon talent mérite bien du grandiose plutôt que de la petitesse’’. Sacré Oscar. J’attendais avec tellement d’impatience ce rendez-vous. Sans savoir vraiment ce que j’attendais. Ecrivain de talent, dandy de choix, provocateur incandescent, francophile invétéré. Alors oui j’ai aperçu des mots écrits de sa main, vu des manuscrits originaux, regardé un film sur sa Salomé, des affiches, des portraits de cet homme mais aussi des tableaux préraphaélites qu’il a commentés du temps où il écrivait des critiques d’art. Alors oui cette expo est riche et sa place est bien au Petit Palais, édifice construit pour l’expo universelle de Paris de 1900, date de la mort dans la capitale française de l’auteur irlandais. Mais le plus intéressant reste sans conteste l’entretien avec Robert Badinter, ancien garde des sceaux, illustre avocat et artisan de l’abolition de la peine de mort. Témoignage qui éclaire divinement le procès et l’incarcération de l’auteur pour ‘’actes obscènes’’. La piège dans lequel est tombé Oscar Wilde est édifiant de l’époque victorienne dans laquelle il avait trouvé un place de choix. Je résume : Oscar Wilde entretient une relation avec le jeune aristocrate Alfred Douglas. Ce qui déplait profondément à son père, Lord Queensberry. Ce dernier dépose une carte au club fréquenté par l’écrivain : ‘’Pour Oscar Wilde, s’affichant comme Sodomite », comprenez, homosexuel. Poussé par son amant qui déteste son père, Wilde porte plainte pour diffamation. Perd son procès qui se retourne contre lui. Il écope de la peine maximale, soit deux ans de travaux forcés pour homosexualité, alors pénalement condamnable. Badinter,avec sa science de la justice et analyse fine, nous entraîne dans l’ombre du procès. Et de ce que Wilde subit dans la prison de Reading à 80 km de Londres. Il rappelle notamment que si la prison symbolise l’isolement, à cette époque en Angleterre, tout condamné est astreint au silence total. Imaginez la détresse morale d’un Oscar Wilde connu, et reconnu pour ses bons mots et son talent oratoire. Réduit au silence sans possibilités d’écriture. ''Ce qu'il y a de plus terrible avec la prison, ce n'est pas qu'elle vous brise le coeur, tous les coeurs sont faits pour être brisés. C'est qu'elle le change en pierre...'' Là, la voix de Badinter se casse. Comme la vie brisée de Wilde quand il sort de l'enfer de la geôle C3.3. Après 14 mois de travaux forcés et un transfert de sa prison de Reading, Wilde obtient le privilège rare d'un stylo et de papier à condition que chaque soir, il remette le tout aux autorités carcérales. Il écrit ''De Profundis'', une lettre à son amant Douglas, qui jamais ne lui rendra visite en prison. A la fin de sa peine en 1987, il s'exile, ne parvenant qu'à écrire qu'une seule oeuvre à sa libération ''La Ballade de la geôle de Reading''. La joie exprimée à sa sortie de prison n'est qu'une façade. Même s'il retrouve quelques mois plus tard le bel Alfred Douglas, contre tous les avis de ses amis. Il finit sa vie à Paris dans la dépression, la déchéance et la drogue, à l’époque l’absinthe. Il survit comme un clochard désargenté qui emprunte à tout va sans espoir de remboursement pour les donneurs. Alors rien que pour les mots de Robert Badinter, cette exposition mérite le détour. Un conseil : téléchargez l'application mobile pour avoir un son audible et du silence autour. Sinon vous risquez de passer à côté de l'essentiel et comme dirait le Maître : “L'expérience est le nom que chacun donne à ses erreurs.”
Petit Palais
Avenue Winston Churchill 75008 Paris
Exposition : Oscar Wilde, l'impertinent absolu
du 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017
du mardi au dimanche 10h-18h, nocturne le vendredi 21h
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