Billet from New York to Zao Wou-Ki
- Corinne TONG-CHAI
- 23 nov. 2016
- 3 min de lecture

L’Asia Society Museum n’est sans doute pas le lieu incontournable de New York. Sauf en ce mois de septembre 2016. Et jusqu’en janvier 2017 au minimum. Pour la première rétrospective de l’artiste chinois Zao Wou Ki aux Etats Unis, je me trouve à New York. Chance incroyable. Heureux hasard. Bonne fortune. Coïncidence. Qu’importe. Niché sur Park Avenue, pas très loin à l’Est de Central Park, ce petit musée ne paye pas de mine. Et pourtant il abrite des oeuvres majeures. A l’entrée, un des tableaux les plus connus du Maître nous accueille. ‘’10.01.76’’. Déjà, je sens mes sens émoustillés. Par réflexe, je shoote l'affiche alléchante. Ce sera l’unique, la première et dernière photo. Interdiction de photographier les oeuvres à l’intérieur. Dès la première salle, celle qui retrace ses premiers pas d’artiste, une certaine fébrilité s’empare de moi. Je retrouve ce trait de pinceau, ses couleurs, ses essais, ses références à Klee, à Chagall, à Viera Da Silva et ses travaux avec son ami Henri Michaux. Déjà mon coeur se serre. Pour la première fois, j’admire ces oeuvres que je n’avais pour l’instant que contemplées sur papier glacé.
Puis vient le moment de se diriger vers la porte de la seconde salle. Face à moi, à travers la vitre, une huile. Je suis comme hypnotisée. Bouche bée, les larmes aux yeux. Un bleu si profond, une lumière si mystérieuse, une intensité magnétique, l’univers de Zao en un instant. Touchée. Stoppée. Une émotion telle qu’elle ne se dit pas, elle se lit sur un visage, elle se vit dans l’humidité d’un regard, elle se diffuse. Stupéfaite de me sentir si muette.
Je me libère de cette première toile mais la deuxième me surprend encore. Et toutes les toiles que je découvre m’immobilisent. J’oublie tout, l’endroit, la ville, l’ennui qui aurait pu envahir mes amies pas aussi amatrices d’art et encore moins de ce peintre chinois que certaines de connaissent pas. A décrocher mes yeux et à jeter un oeil sur elles, je ressens aussi l’émoi qui les a happées. Rien ne pénètre mon âme sauf l’émotion que me procurent ces huiles. A chaque coup d’oeil à droite ou à gauche, subrepticement une émotion nouvelle. Je suis sous l’emprise totale de ce Maître, qui est source de mon inspiration. 25 oeuvres, la plupart me sont familières.
Plus tard, en feuilletant mes ouvrages sur l’artiste, je m’aperçois que je les connaissais toutes. Mais la photo d’une toile dans un livre, aussi proche de la vérité soit elle, ne touchera jamais au coeur autant que la toile elle-même. Les couleurs, les lumières, les matières, les textures, les envolées du pinceau, les coups de génie, les éclats des pigments et les réponses des obscurs aux clairs ne se dégustent que dans un face à face avec l’oeil. Et là mes yeux se brûlent devant tant d’audace. Je n’ai aucun mot. Juste l’Emotion. Intacte. L’attirance incontrôlable. Je pourrais rester figée des heures devant ces toiles. Magnifiquement éclairées, la profondeur des couleurs ne sont que source d’étonnement. Pas de cadres ostentatoires. Que de l’élégance. Et un privilège. Nous sommes seules à admirer ces chefs-d’oeuvre. Quatre filles pour un Maître. Un parquet, un gardien, personne pour violer l’émotion suscitée par de telles toiles, personne comme nuage du soleil devant nos yeux surpris, personne pour briser le silence, pas un téléphone pour vibrer. Un luxe quasi inabordable dans n’importe quel autre musée. Les New Yorkais ont-ils conscience de ce que représente Zao Wou Ki dans le monde artistique contemporain et moderne?
Rarement dans ma vie, je n’ai eu à appréhender autant de sentiments inconnus, d’émotions intenses et de joie de vivre. ‘’No limits’’, le titre de cette exposition est à l’image de ce que la peinture et l’art peuvent vous procurer. Laisser parler ses sentiments. Pour découvrir les profondeurs de notre coeur.
Asia Society Museum
725 Park Ave, NYC • (212) 327-9217 Tous les jours de 11h à 18h, vendredi jusqu'à 21h
''No Limits'' du 9 septembre 2016 au 8 janvier 2017
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