Billet ''dessinez maintenant''

Dessinez maintenant ! C’est sans aucun doute ce qui titille chaque pointe de crayon, chaque bille de stylo, chaque poussière de pastel. ‘’Drawing now’’ c’est le salon du dessin contemporain qui chaque année regorge de pépites. L’écrin abritant ces petites perles, le Carreau du Temple, est sans doute le lieu le plus branché pour ce genre d’exposition. Mais depuis sa rénovation, c’est un écrin baigné de lumière, qui donne toutes ses lettres de noblesse aux pointes en tout genre.

Plus de 72 galeries internationales invitent des artistes connus ou…pas et c’est un régal de découvertes. Evidemment les galeries les plus cotées nous offrent des artistes dont la renommée n’est plus à faire, comme la Galerie Lelong qui présente des petits bijoux d’Ernest Pignon Ernest.

Mais dans ce genre de lieu, il faut savoir s’arrêter, discuter avec le galériste voire avec l’artiste lui même, et admirer l’oeuvre. Au premier coup d’oeil, j’ai eu un coup de coeur.

Sur de vieilles cartes scolaires, oui souvenez vous, ces cartes qui pesaient un âne mort et qu’il fallait accrocher sur des crochets aux coins du tableau noir, un artiste a eu l’idée de les…moderniser. C’est le moins que l’on puisse dire : moderniser, voire érotiser.

Hassan Musa est plus connu pour ces représentations de Ben Laden, cul nu, de Poutine ou d’Obama, toujours en décalage mais avec audace. Et il a du culot. Ce soudanais aime travailler les matières différentes, les tissus, les motifs imprimés entre autres. Et là sur nos cartes scolaires, il s’amuse à peindre des dessins érotiques asiatiques. Des poses du Kama Sutra sur nos cartes géographiques de l’école primaire, voilà qui est osé. Si on m’avait dit que les courbes de la France cachaient d’autres valons, vallées et monts, que ceux du Puy de Dôme, la géo aurait sûrement été une source de savoir bien plus palpitante !

Et il faut croire que les supports au dessin ont bien évolué. Aujourd’hui il n’est pas rare de voir un support de dessin en carte géographique, en feuilles millimétrées d’architecte, en vieilles cartes routières. C’est sur une feuille du journal, mais pas n’importe laquelle, celle des pages boursières d’un quotidien américain, que Marta Caradec a commencé à isoler les zéros et les O. Comme quand vous vous ennuyez en réunion. Sauf qu’elle, elle avait le talent du gribouillage et de la composition. Ensuite elle s’est servie des cartes maritimes, politiques, géographiques encore, voire même de cadastres. Elle redessine les frontières, imagine des mosaïques, découpe des billets pour en faire des murs, bref tout devient motif, tout se transforme, on découvre les pays sous un autre jour, des animaux surgissent, l’Histoire nous est racontée autrement, mais chaque découpage, collage, coloriage est une histoire. Fascinant d’apprendre tout ça de la bouche même de la galériste, qui est comme habitée par l’artiste qu’elle abrite dans son antre ‘’la Galerie Réjane Louin’’ à Locquirec. Car c’est là aussi l’excellence de Drawing Now. Ce salon laisse la place belle aux galeries émergentes. Un régal d’aborder l’art autrement que par le prisme de l’Art non abordable par le commun des mortels.

Si le support interpèle souvent dans ce Carreau du Temple, comme Travis Somerville avec un graphite sur sac de cueillette de coton ancien, il est aussi des artistes qui choisissent l’outil le plus difficile et le plus banalement accessible à tous : le stylo bic. Helena Hauss n’a pas opté pour la facilité mais le rendu est bluffant. C’est au lycée qu’elle a commencé à utiliser le stylo à bille, ‘’la meilleure façon d’être discrète et de garder les enseignants à distance’’. Travail de patience et de précision, ses oeuvres sont non seulement un reflet de la réalité et mais aussi d’une fraicheur qui lui ressemble. A 30 ans à peine, elle a trouvé sa patte dans le Bic. Qu’importe la couleur, du moment qu’elle a un bloc et une bille!

Dans ce salon, la lumière a trouvé toute sa place. Et chez certains, encore plus que chez d’autres. Comme Nina Ivanovic, une artiste serbe, qui a pris le fil de fer comme fil d’Ariane. Elle sculpte, elle donne à voir des scènes du quotidien, mais en y ajoutant un brin de lumière artificielle, ces sculptures prennent une dimension 3D, tout en conservant la légèreté qui fait leur singularité. Des sculptures qui vivent!

Du talent, de la jeunesse, de l’ingéniosité, de la fraicheur, de l’inventivité, il y a tout ça au Carreau du Temple…attention chaque année c’est éphémère pendant cinq jours, mais c’est toute l’année dans le monde entier, que ces artistes vous attendent…Soyez attentifs.

Drawing Now

au Carreau du Temple, 4 rue Eugène Spulle 75003

Métro République ou Temple

du 23 au 26 mars 2017 de 11h à 20h sauf dimanche 26, 19h