Billet de voyage avec Corto
- Corinne Tong-Chaï
- 16 août 2017
- 2 min de lecture

Je suis allée jusqu'à la gare pour le voir. Drôle d'endroit pour une rencontre. A bien y réfléchir, pas tant que ça puisque ce grand voyageur a posé ses valises à Austerlitz. Ce trentenaire romantique, célibataire, mi marin, mi pirate, a choisi de fêter son cinquantième anniversaire librement là où l'on prend souvent un départ pour un ailleurs meilleur. Corto Maltese s'affiche gratuitement. Mieux, après m'avoir accueillie sur la façade de la gare avec ses amis, il m'attendait sur un banc, entouré de mouettes, de femmes, et de ses meilleurs ennemis. Des planches, des cartes, des portraits, des citations, Corto s'offre une aventure sur les panneaux de la Gare d'Austerlitz, cette gare pas tout à fait comme les autres, un peu dépeuplé de voyageurs et pourtant toujours utile. Les valises roulent vers les quais alors que Corto se dévoile. En un regard, il subjugue les femmes, et fascine les hommes. Corto est bien plus qu'un simple personnage de bande dessinée. C'est une icône, mieux une icône glamour. Choisi pour incarner "Eau sauvage", le parfum de Dior, en lieu et place d'une Beauté incontournable, Alain Delon, jeune. Corto c'est le bad boy d'une élégance travaillée mais bourlingueuse. Une casquette, une redingote, une boucle d'oreille, et un oeil taquin. Son style est atypique, son mystère intrigue, son charme opère, son cœur est à prendre, lui revendique son célibat même s'il ne reste pas insensible aux beautés rencontrées lors de toutes ses aventures, Bouche dorée, Changhaï Li, Esmeralda, Morgane ou Pandora.
Ah Corto aime sa liberté, à Venise ou Samarkand, en Sibérie ou en Irlande. Il aime les causes perdues, justicier occasionnel, espion malgré lui mais citoyen du monde. Toujours là où on ne l'attend pas, toujours là où il ne faut pas. C'est un chevalier moderne, un Ulysse sans Pénélope, un Zorro sans Tornado. La justice c'est son karma, sa ligne de vie. Pas adepte de la justice des tribunaux, il préfère la rendre à sa façon. L'injustice lui hérisse les poils virils de sa peau tannée. Voilà un mec, un homme, un vrai. Mais jamais il ne fanfaronne cet héroïsme. L'ironie qu'il manie avec dextérité, lui sert de paravent à son altruisme qu'il feint de ne pas connaître.
Corto n'est pas un ange, mais ses valeurs sont nobles, celles d'un homme qui ne se pose jamais, reste rarement très longtemps au même endroit et se sent chez lui partout. Il revendique le droit d'être un nomade, attaché à la Justice et à l'Amitié.
J'aime ce personnage, j'aime cet anniversaire, j'aime ces valeurs, j'aime Hugo Pratt. Car Corto c'est un peu Hugo. Il est le dessinateur de génie, et le scénariste unique des aventures de Corto, Hugo s'est projeté en Corto. Il lui a donné vie et mieux que d'autres, il lui a permis de lui survivre. Le voyage continue en septembre, mais en attendant, c'est en gare que Corto vous emmène dans son monde. Il est facile à trouver, il est sur un banc à l'instar de Forrest Gump. Mais Corto ne court pas, il savoure. "Corto n'est pas un séducteur, c'est un séduit : un éternel éconduit, un voyageur à la belle mélancolie qui assène les phrases et les coups de poings définitifs." Asseyez vous à ses côtés et séduisez le.
En gare de Paris-Austerlitz
jusqu’au 31 octobre 2017






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