Billet d'un collectionneur rare au Jacquemart

Corinne Tong-Chaï
14 oct. 2017
2 min de lecture

La collection Ordrupgaard, c’est un nom à peu près aussi imprononçable que le bonbon Ricola-Chrüterchraft. Mais le jardin secret des Hansen que propose le musée Jacquemart-André est aussi savoureux que ces petites perles suisses sont fraîches. Wilhelm Hansen est un homme d’affaire danois, particulièrement averti et visionnaire. En deux ans, entre 1916 et 1918, il rassemble une collection de chefs-d’oeuvre impressionnistes et post impressionnistes unique en Europe. Mais pourquoi cette exposition s’appelle-t-elle la collection Ordrupgaard alors que le danois a un nom plus simple? Parce que c’est le nom du manoir qu’il acquiert au Nord de Copenhague et où il va exposer toutes ces oeuvres. De Corot à Cézanne, en passant par Berthe Morisot, Renoir, Sisley, Matisse, Gauguin ou Monet, la dizaine de salle regorge de pépites. J’avoue avoir dégusté la belle quarantaine de tableaux proposés pour la première fois, avec parfois il est vrai quelques slaloms, tant cette expo reçoit le succès qu’elle mérite. Il est vrai qu’elle est de très belle facture et qu’elle force le respect. Admirer de telles oeuvres dans ce joyau qu’est le musée Jacquemart-André est un véritable plaisir qu’il ne faut pas galvauder. L’impressionnisme tel qu’on le voit si rarement, ça vaut le détour. Bien sûr que la couleur de Gauguin, très en vue en ce moment, attise. Evidemment que la lumière de Monet exulte. Forcément, la richesse des murs laisse rêveur. Je me suis laissée emporter par deux toiles. La première c’est un Degas. Loin de ses danseuses si célèbres, si renommées et si légères. J’y ai retrouvé toute la subtilité de l’artiste. Un travail à l’huile tout en délicatesse, sur des enfants, apprêtés, esquissés et pourtant tellement représentatifs. On ne devine que les visages mais on les sent vivre. Son coup de pinceau est une merveille de précision et paradoxalement un délice d’imprécision cadrée. Et puis un Odilon Redon. D’ordinaire, les natures mortes ne m’émeuvent pas. D’habitude, cet artiste atypique est spirituel, onirique, et là encore, je n’accroche pas. Et pourtant cette toile a capté mon attention. Ces couleurs chatoyantes, de l'ocre à l'orange, cette touche particulière, ce citron, ces poivrons et cette cruche me touchent. Il est fort cet Odilon. Cela fait trois expositions où à chaque fois, il parvient à retenir mon oeil. A m'émouvoir sans même que je ne sache pourquoi. Et si l’Art ce n’était pas simplement ça. Se laisser hypnotiser quand on s’y attend le moins. Fascinant.