Billet d'un pouce césarisé
- Corinne Tong-Chaï
- 8 janv. 2018
- 3 min de lecture

Un pouce doré levé devant le centre Pompidou. Une seule sculpture et tout est dit. César investit Beaubourg pour une rétrospective qui amuse les plus petits, intrigue les plus réticents et subjugue les plus enthousiastes. 20 ans après la mort du sculpteur marseillais, voici l'occasion de découvrir toute la palette de l'artiste entre modernisme et classicisme. Sur ce grand plateau du 6ème étage, le visiteur découvre d'abord de fantastiques œuvres de boulons et d'acier. Influencé par le travail de Giacometti, de Gonzãles et de Picasso, César travaille le métal sous toutes ses formes. Ces fers soudés sont remarquables de légèreté. De véritables dentelles délicates de petits déchets métalliques comme ce scorpion à l'ombre discrète. On repère assez vite les compressions. César s'amuse avec ces compressions de voitures, appelées ''compressions dirigées'', comme celle d'une Dauphine. Plus tard viendront les compressions de la série ''Championnes'' , des Peugeot de rallye écrasées en palette. Sa célèbre statuette compressée récompensant chaque année le meilleur du cinéma français a fait sa réputation populaire après avoir dérangé le monde artistique consensuel du salon de mai en 1960. Sculpture qui a déplu à certains. Dont un célèbre. Jean-Paul Belmondo. A sa nomination dans la catégorie du meilleur acteur pour ''Itinéraire d'un enfant gâté'', il déclare que cela ne l'intéresse pas. Malgré ces propos, il remporte quand même le prix mais ne se déplace pas. Officiellement, il n'accepte que les prix émanant du public. Mais en coulisses, il se dit que Bebel n'aime pas la sculpture de César, ni l'artiste. Pourquoi? Parce son père, le sculpteur Paul Belmondo, avait été approché pour modeler la récompense. Ceci dit, presque 30 ans plus tard, l'immense Jean Paul accepte l'hommage rendu par l'académie des César à son incontournable filmographie. Le pouce en bronze de 6 mètres de haut, planté droit comme un i sur la piazza du centre Pompidou se retrouve dans l'exposition sous plusieurs formes, plus petites, plus colorées, différentes mais semblables en somme. Cette série d'empreintes très connues du sculpteur montre aussi un sein. Le moulage corporel d'un sein splendide, plus grand que nature, mais diaboliquement ferme. Celui d'une danseuse du Crazy Horse. En un mot : parfait. Les japonais raffolent de ce sein qu'ils photographient sous tous les angles, jouant avec leur doigt, pour une photo montage pas toujours du meilleur goût. Ses recherches sur les résines de ces empreintes ont conduit l'artiste aux Expansions. Ou comment découvrir un nouveau matériau qui offre multiples possibilités si l'on est rapide et audacieux : la mousse de polyuréthane. Pour les plus physiciens d'entre vous, sachez qu'en ajoutant du fréon, une mousse se forme, avec un volume exponentiel. Là César contrôle la direction du liquide, intervient rapidement sur la forme désirée et attend que la réaction soit terminée ce qui fige l'oeuvre. César prolonge ce concept avec des matériaux plus pérennes. Tout le temps, César cherche de nouveaux procédés. Comme ses enveloppages, noms donnés par César lui même. Placez des feuilles de Plexiglas, dans les tiroirs d'une étuve, ça les assouplit. En les refroidissant et en les pliant, il trouve un nouveau moyen d'insérer des objets du quotidien dans ses sculptures. César expérimente tout le temps. Ne se décourage jamais. ''De l'audace, encore de l'audace toujours de l'audace'' disait Danton. A croire que César, issu des Beaux Arts, en avait à revendre. Un magicien, un alchimiste même. Passionnant pour tous les chimistes en herbe, et tous les artistes en devenir. Exposition étonnante et ébouriffante à contempler du dernier étage de ce monument extravagant qu'est le Centre Pompidou qui surplombe les toits de Paris avec insolence et force. Une architecture aussi décomplexée que l'oeuvre de César. Fascinante.
César ''la rétrospective''
Jusqu'au 26 mars 2018
Centre Pompidou Paris
Métro Rambuteau (ligne 11) /Hotel de Ville (lignes 1 et 11) /Châtelet (lignes 1, 4,7,11 et 14) Tous les jours sauf le mardi de 11h à 21h, nocturne le jeudi 22h






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